La validité d’un bail commercial verbal peut-elle être établie par des échanges de mails ?
L’existence d’un bail commercial verbal peut être prouvée par les échanges de mails entre le bailleur et le locataire, démontrant un accord sur les éléments essentiels du contrat et le début de son exécution.
Accord verbal pour l’extension d’un bail commercial : Une entente conclue par échange de mails
Ayant informé son bailleur qu’il recherchait une surface supplémentaire de stockage et qu’un local voisin lui conviendrait, le locataire de locaux commerciaux reçoit un mail du responsable immobilier tertiaire du bailleur contenant la proposition suivante : « Vous récupérez ce hangar d’une surface d’environ 15 m² à titre gratuit, seules les charges vous seront facturées. Je vous laisse me confirmer que vous récupérez cette surface. Je verrai de mon côté comment officialiser cette attribution sans nécessairement vous faire signer un contrat. »
Par retour de mail, le locataire répond qu’il « accepte volontiers », demande s’il « souhaite officialiser [la] proposition par une lettre » et précise qu’il fera les travaux nécessaires pour réhabiliter le hangar. Le lendemain, le responsable immobilier lui répond qu’il « prépare un avenant d’adjonction de surface » qu’il lui transmettra « pour signature rapidement » et l’autorise d’ores et déjà à commencer les travaux et à installer un verrou sur la porte du local. Après avoir occupé le hangar pendant quatorze mois, le locataire est informé par le responsable immobilier que « ce local n’est plus proposé à la location de façon isolée ».
Validation d’un bail verbal : Accord sur les éléments essentiels et la durée
La cour d’appel de Paris a déduit de ces éléments que la proposition formulée par le responsable immobilier du bailleur visant à conclure un avenant d’adjonction de surface au bail commercial initial, à titre gratuit sauf paiement des charges par le locataire, avait été acceptée sans ambiguïté ni réserve par le locataire tant sur la chose louée que sur le prix. Cela caractérisait une rencontre des volontés sur les éléments essentiels du contrat de bail commercial conclu verbalement, sans écrit. En outre, un accord était également intervenu entre les parties sur la durée de ce bail verbal : bien qu’aucune mention explicite de cette durée ne figure dans les mails échangés, le responsable immobilier avait précisé préparer « un avenant d’adjonction de surface » et avait ainsi implicitement mais nécessairement entendu calquer la durée du bail verbal sur celle du bail commercial initial entre les parties, la seule modification portant sur l’assiette du bail.
La cour a par ailleurs relevé que ce bail verbal, portant extension de l’assiette du bail initial, avait reçu un début d’exécution, le locataire ayant occupé les locaux litigieux en contrepartie notamment de la réalisation de travaux d’aménagement.
En conséquence, après avoir constaté que les échanges entre les parties n’évoquaient pas la nécessité d’un contrat écrit pour la validité de l’engagement, mais seulement à titre probatoire, la cour d’appel a considéré que le contrat de bail verbal avait été régulièrement conclu et a rejeté la demande d’expulsion formée par le bailleur.
À noter : Le contrat de bail peut être verbal (C. civ. art. 1714), même lorsqu’il est soumis au statut des baux commerciaux (Cass. 3e civ. 12-12-1990 no 89-11.534 D : RJDA 2/91 no 91). L’existence d’un bail verbal peut être prouvée par tous moyens dès lors que celui-ci a reçu un commencement d’exécution (C. civ. art. 1715). La seule occupation des lieux est insuffisante à démontrer un tel commencement d’exécution, car ce dernier suppose de la part de celui qui s’en prévaut non seulement l’exercice des droits, mais aussi l’accomplissement des obligations nées du bail (Cass. 3e civ. 5-1-1978 no 76-11.010 : Bull. civ. III no 10), notamment le paiement du loyer (Cass. 3e civ. 29-4-1970 no 68-14.497 : Bull. civ. III no 289) ou, comme dans la présente affaire, la réalisation de travaux d’aménagement.
Rappelons que la conclusion d’un bail commercial suppose l’accord des parties sur la chose et le prix (C. civ. art. 1709) ainsi que sur la durée du bail (Cass. 3e civ. 5-12-2001 no 00-14.294 FS-D : AJDI 2002 p. 129 note M.-P. Dumont).